Dans l’oeil d’Elias
Elias Djemil est un réalisateur et photographe né d’un père algérien et d’une mère russe. Arrivé au Québec à 20 ans avec un baccalauréat en mathématique appliquée non reconnu, il doit se revirer de bord. Il s’inscrit alors en Arts et lettres au Cégep de Chicoutimi avant de fréquenter l’École de Cinéma et Télévision de Québec. Croyant en son art, il investit tout sur son premier film. C’était il y a 10 ans. Rencontre avec Elias Djemil, un artiste qui croit que c’est grâce aux problèmes qu’émerge la créativité.
1. Elias, tu es né avec une double influence culturelle, selon toi, quelle est la différence entre l’art en Russie et en Algérie?
En Algérie, l’art est considéré plus comme un loisir qu’une profession. Tu ne peux pas vraiment en vivre, à part quelques rares exceptions. En Russie, c’est complètement l’inverse. L’éducation est construite autour de l’art dès la petite enfance. Quand tu arrives au secondaire, tu lis du Tolstoï et du Dostoïevski. Les professeurs russes croient que l’art ouvre des portes pour y revenir plus tard et je suis assez d’accord avec eux.
2. Où puises-tu ton inspiration?
Dans la paresse. Les idées viennent lorsque je ne fais rien. Quand tu te détends, que tu fais de l’espace, ton cerveau fait des liens avec des choses que tu as en toi. Je suis aussi beaucoup inspiré par les gens, qu’ils soient morts, vivants, proches, lointains, artistes ou pas. Observer les humains, ça donne des idées, voyager aussi.
3. Et au niveau artistique, qu’est-ce qui t’allume?
J’aime beaucoup le cinéma de Tarkovski, c’est très connecté sur l’humain, ses films t’habitent pendant longtemps. J’adore aussi la peinture abstraite. Je suis fasciné comment on peut raconter quelque chose et faire vivre des émotions avec de l’art non figuratif.
4. Quel est ton processus de création?
Quand je fais un film, c’est comme un carré de sable où j’invite d’autres personnes à venir jouer avec moi. J’ai une image en tête et je me fie à mon instinct pour y arriver. Mais en même temps, c’est très réfléchi. Chaque plan est là pour une raison. Je réalise souvent de quoi parle mon film lorsque je suis rendu au montage.
5. Pour toi, qu’est-ce qu’une oeuvre réussie?
J’aime le mystère de la beauté. Je n’essaie pas d’expliquer et de décortiquer techniquement une œuvre. Faire ça, c’est comme essayer d’expliquer l’amour avec de la chimie. Je crois que le but de l’artiste est de toucher le doux, le bon et l’âme en chacun de nous. Mais l’art, c’est beaucoup de pratique. Quand tu maitrises un médium et que tu en essaies un autre, c’est une vraie leçon d’humilité. Et bien sûr, ce nouvel art enrichit celui que tu maitrises déjà.
7. Si tu avais un conseil à donner à quelqu’un qui souhaite réaliser un film, que serait-il?
Fais-le. Arrête d’attendre. Le moment parfait n’existe pas.
8. Comment utilises-tu ton intuition dans ton travail?
Je donne du respect aux idées qui naissent. Je les prends en note. L’intuition est toujours là et plus tu l’écoutes, plus tu développes ta confiance. Tu deviens plus authentique et meilleur. Parce que sans l’intuition, tu fais juste répéter ce que les autres font.
9. Crois-tu que l’on nait créatif ou qu’on le devient?
Je pense que l’on nait créatif et que par la suite, différents facteurs de notre vie font qu’on développe notre créativité ou pas.
10. Avec la montée de Netflix et de la réalité virtuelle, quel est l’avenir du cinéma?
On va toujours avoir des histoires à raconter. C’est la base. Comment on le fera, je n’en ai aucune idée.